Avant de vous jeter à corps perdu dans le grand bain de la diffusion de votre musique, voici un tour d’horizon des basiques en termes de protection des auteurs. Rien de bien compliqué, mais toujours bon à savoir afin de naviguer paisiblement sur l’océan des législations nationales, voire internationales...

Préambule

Mu par l’état d’esprit des Lumières naissant au milieu du 17ème siècle pour exploser au 18ème, l’individu occidental s’af­fran­chit du roi et se pro­clame libre, in­dépen­dant, pen­sant et agissant : l’Homme devient propriétaire de lui-même et se doit de garantir et protéger cette « auto-propriété ».

S’engage alors une âpre et folle quête à l’équilibre des droits et des devoirs, dont la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme représente aujourd’hui la forme la plus aboutie ( quoique encore imparfaite ).

PapierMusique oblige : penchons-nous d’un peu plus près sur quel­ques notions qui protègent la création, propriété de l’Homme puisqu’elle en est le fruit. Ainsi le droit à la culture, à la liberté d’expression, à la propriété, à la vie privée, à l’information et bien d’autres nous interrogent sur la façon de combiner tant de garanties sans nuire à la diversité et à l’évolution culturelle.

Un peu d’histoire

1540 s’impose comme une date charnière en matière de propriété intellectuelle. Pour sûr, c’est l’arrivée de l’imprimerie en occident. Dans l’interrogation qui nous occupe, il y a donc un avant et un après cet événement quelque peu « perturbateur ».

Avant l’imprimerie...

La transmission en série est quasi inexistante puisque l’écrit n’est l’apanage que de quelques rares sociétés ( moines, universités… ). La transmission orale va bon train, véhiculant les idées et les innovations au rythme des trouvères, pèlerins, conteurs et autres itinérants.

Pour autant, l’auteur d’une idée est déjà celui qui en détient la paternité. Tenons-en pour preuve les philosophes antiques : s’ils enseignent leurs pensées, les écrivent-ils pour autant ?
Certes, il est aisé de voler la trouvaille du voisin, ou du moins de travestir le message originel.

Après l’avènement de l’imprimerie...

La diffusion des œuvres et des idées se fait à plus large échelle et partout, une bataille s’engage pour déterminer qui va imprimer quoi.

En France, saisissant l’occasion au vol ( si belle occasion ! ), le pouvoir royal s’immisce alors dans le débat, proposant d’attribuer les autorisations d’imprimer ( et voilà comment on contrôle les idées ! ). Ces privilèges d’imprimer s’appellent lettres patentes.

Dorénavant, les œuvres portent la signature de leurs auteurs, garantissant la paternité, amplifiant au passage les notions de « génie », « auteur du siècle », « plus grand esprit »… les prémices du star system.

Génèse et évolution des lois

En guise de loi, les anglais précèdent les français : 1710 voit la première loi ( dite de la Reine Anne ) en matière de droit d’auteur. Elle conçoit une exclusivité de 14 ans que l’on peut renouveler une fois.

La France se rattrape en 1777 où Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais ( oui oui, celui du Mariage de Figaro ) fonde la première société des auteurs.

Le vent de 1789 balaie tout sur son passage. Forcément, c’est l’abolition des privilèges !
S’ensuit un événement pas si anodin : la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, chargée de garantir l’égalité et l’intégrité des êtres au regard de ce que l’on appelle les droits fondamentaux. Ainsi, le sujet revient sur le tapis.

A partir du 19ème siècle, de longues réflexions ont cours sur la notion de protection de la pensée et de ses fruits. Elles portent essentiellement sur la répartition de ce droit ( auteur, éditeur, héritier… ) et sur la durée de la protection.

Triste parenthèse sur le sujet lors de la seconde guerre mondiale : le gouvernement de Vichy réforme le droit de propriété intellectuelle à la défaveur ( au vol, à la spoliation… ) de l’on sait bien qui. Nul besoin de détailler ici les égarements de l’obscurantisme du moment.

Dès la fin de la guerre, dans le renouvellement des vœux formulés en faveur des Droits de l’Homme, les débats reprennent pour en arriver à leur teneur actuelle : en France, l’auteur est propriétaire de son œuvre toute sa vie durant ainsi que ses héritiers pendant 70 années à compter du 1er janvier qui suit le décès de l’auteur.

Les temps modernes

Le 20ème siècle voit l’émergence de nouvelles formes à protéger : le cinéma, les jeux vidéos, les logiciels, les bases de données…

Depuis la fin des années 90, une remise en question ébranle le sujet. L’information et la communication ont pris un nouveau visage et se font à la vitesse de l’éclair sur les routes du net. Le téléchargement et la facilité d’accès ont démultiplié le potentiel de diffusion, explosant tous les schémas formels jusqu’alors établis. Nous en sommes presque revenus à la problématique de nos philosophes antiques : l’auteur reste le père de l’œuvre, mais le circuit de protection ne peut plus en profiter ( en terme financier, c’est entendu ).

Principe général

La défense et la protection des œuvres de l’esprit sont régies par des conventions internationales, sorte de « traités diplomatiques » dont les pays sont signataires. Ce principe est en place depuis le 19ème siècle et a permis la protection des auteurs et des œuvres à rayonnement international.

La convention de Berne signée en 1886 est la plus répandue et compte 168 pays signataires en 2015.

En 1952, des pays qui ne souhaitaient pas adhérer à la convention de Berne ont adopté la convention universelle sur le droit d’auteur. Cette convention a entériné le signe distinctif ©. ©nom-de-l’ayant-droit indique donc qu’une œuvre fait l’objet d’une protection juridique, ce qui nous amène au point suivant : la distinction entre le droit d’auteur et le copyright.

Le droit d’auteur

Ce code s’applique dans les pays dits de tradition civiliste ( fondée sur le droit romano-germanique… grosso modo l’Europe et quelques autres ) en opposition aux pays dits de tradition jurisprudentielle.

Le droit d’auteur s’appuie sur une triple légitimité :

  • le droit moral

    Il s’exerce sur la divulgation, la paternité, le respect de l’intégrité de l’œuvre et le droit au retrait.
  • les droits patrimoniaux

    Ils ont trait à la reproduction, à la représentation, à la distribution et au droit de succession.
  • Les droits voisins

    • la protection de l’interprétation de l’œuvre pour les artistes-interprètes
    • la protection des œuvres diffusées par les entreprises de communication
    • la protection des œuvres enregistrées pour les producteurs qui les ont financées

Bien sûr, quelques cas font exception à l’application du droit d’auteur. Ainsi en est-il par exemple de la représentation familiale « exempte de paiement ».

Bien d’autres situations ne sont pas soumises au droit d’auteur : le contexte pédagogique, les critiques et autres articles d’information, les extraits à titre d’illustration ou la constitution d’archives semblent des cas logiques de dispense.

On le sait moins mais l’imitation ( caricatures et parodies ) et l’adaptation pour un public handicapé ( les aveugles par exemple ) font également exception à la règle.

BON A SAVOIR

  • Les droits voisins ne sont pas reconnus par tous les pays appliquant le droit d’auteur.
  • Les droits voisins, quand ils sont reconnus, s’appliquent sur 70 ans à compter de l’interprétation ou de l’enregistrement d’une œuvre et sur 50 ans à compter de la diffusion pour les entreprises de communication.
  • Vos droits d’auteur sont retirés si votre œuvre est réalisée dans l’illégalité.
  • Une fois passés tous ces délais, l’œuvre tombe dans le domaine public. Attention toutefois car en France, le droit moral reste perpétuel et s’applique donc au domaine public.

Le copyright

Il s’agit d’un code qui a cours dans les pays de common law ( comprendre : dont la législation est guidée par la jurisprudence, le droit coutumier de tradition et d’usage ). D’origine anglaise, la common law s’applique globalement aux pays du Commonwealth, aux Etats-Unis, etc…

  • Le droit moral

    La paternité et le respect de l’œuvre ne sont reconnus qu’en cas d’adhésion du pays à la convention de Berne, exception faite pour les États-Unis qui sont signataires mais perdurent dans le jeu solo.
  • Les droits patrimoniaux

    Ils garantissent le titulaire du copyright dans les cas de reproductions, représentations publiques, copies et créations d’œuvres tirées de l’originale.

Là aussi, des exceptions existent pour les contenus pédagogiques, éducatifs ou à des fins de recherche.
Le caractère commercial ou désintéressé est également étudié et traité au cas par cas par les tribunaux en fonction de la jurisprudence.

LE SAVIEZ-VOUS ?

La différence notable avec le droit d’auteur précédemment cité vient de ce que le copyright s’émeut davantage pour les droits patrimoniaux que pour le droit moral. Autrement dit, l’investissement prévaut sur le créatif.

  • Cela implique que l’œuvre soit représentée de manière matérielle. Fixer l’œuvre sur un support entraîne l’application du copyright, peu importe qu’elle soit diffusée ou non.
  • Le titulaire du copyright peut être l’auteur, l’éditeur ou le producteur. Ainsi, dans le cas où l’œuvre est créée dans le cadre professionnel, le copyright revient à l’employeur. Il en va de même pour les œuvres de commande : le copyright revient au commanditaire.

Autres formes de protection

  • Le copyleft

    Si le copyright existe, alors son pendant aussi : le copyleft. C’est le droit que possède tout individu d’abandonner son copyright ( l’ensemble des droits ) ou son droit d’auteur ( mais le droit moral perdure ).

  • Le brevet

    C’est un droit exclusif ( payant ) sur une invention.
  • La marque

    Elle s’emploie dans le domaine de l’industrie et du commerce. C’est un signe distinctif, une sorte de repérage à distance. Différents produits ( =œuvres ) appartiennent à une même marque. Dans les pays de common law, le dépôt de la marque est indiqué par les signes ®, TM, MD, MC.
  • Les contrats de licences

    C’est comme un arrangement « à l’amiable ». L’auteur autorise l’utilisation de son œuvre sous réserve de conditions stipulées dans un contrat de licence. Pour autant, il ne renonce pas à tous ses droits, ce qui oblige à solliciter son autorisation. Attention toutefois, toute œuvre issue d’une œuvre-mère hérite à son tour des droits et restrictions de celle-ci.

Les évolutions technologiques récentes ré-affirment le droit à la culture dans un accès libre au patrimoine artistique et créatif. D’autres interrogations se posent concernant le travail collaboratif, le bien commun, les œuvres architecturales… Quid même du brevetage du vivant ?

Concrètement, pour protéger sa musique

En France, les sociétés de gestion des droits d’auteur se chargent de collecter les compensations financières, de défendre leurs adhérents/clients et de répartir les gains.

Une fois votre œuvre écrite sur de belles feuilles de PapierMusique, voici donc les principaux organismes de protection des auteurs et interprètes que vous pouvez solliciter :

  • ADAMI

    Société gérant les droits voisins des artistes-interprètes
  • UNAC

    Union nationale des auteurs et compositeurs
  • SNAC

    Syndicat national des auteurs et des compositeurs
  • SPEDIDAM

    Société de perception et de distribution des droits des artistes-interprètes de la musique et de la danse
  • SEAM

    Société des éditeurs et auteurs de musique
  • SACEM

    Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique
  • ALTERMUSIQUE

    Musique libre et légale

Conclusion...

La question de la propriété intellectuelle n’est pas simple et de ce fait soulève bien des polémiques.

Bien sûr, on souhaite tous protéger et faire-valoir le génie de la création ... sous réserve que cela ne nuise pas à la continuité de l’évolution créative. Un garde-fou est indispensable car une conception dogmatique du principe de protection engagerait une rigidité intellectuelle et dépouillerait les générations à venir du droit fondamental à l’évolution : « Paie d’abord ce que tu dois au passé avant d’inventer l’avenir » bâillonnerait toute velléité imaginative.

Le titre du dossier l’annonçait : introduction au droit d’auteur. Nous espérons avoir suscité en vous le début d’une réflexion sur le sujet et nous vous donnons rendez-vous sur le forum afin d’engager les échanges.

Autres sources d’informations

  • Wikipédia

    Nombreux documents sur le droit d’auteur, la propriété intellectuelle, le copyright, etc …
  • Copyright France

    Union nationale des auteurs et compositeurs
  • Artifact

    Film documentaire sur le procès entre le groupe de rock « 30 seconds to Mars » et le label de production EMI
  • Pour un Empirisme Poétique

    Livre de Jean-Pierre Dépétris
  • Inpi

    Page d’accueil : qu’est-ce que la propriété intellectuelle ?
  • The Internet’s Own Boy

    Film documentaire sur le combat d’Aaron Swartz pour l’accès libre à l’information sur le web.
  • artlibre.org

    Une voie alternative pour la diffusion de votre musique ( copyleft )