Honni soit qui mal y bat…
Le métronome est à la musique ce que la boussole est à la navigation… prédit l’Institut de France à la naissance du pendule qui allait désemparer bien des musiciens. En effet, qui n’a pas vécu ces séances difficiles de mise en place avec le métronome, où les doigts récalcitrent au cadre imposé et freinent en trébuchant l’Allegro implacablement mesuré ?
Et pourtant, petit outil génial qui mesure les divers degrés du mouvement, n’es-tu pas récompensé de ton imperturbable pas cadencé, en comptant les innombrables musiciens qui, à force d’abnégation, ont gagné les galons d’une solide technique musicale après avoir courageusement gravi, marche après marche, les crans de ta règle graduée ?
Soyez tranquille, vous n’êtes pas seul à l’avoir conspué ! Même Beethoven, d’abord très intéressé par l’invention, a fini par déclarer :
“ Pas de métronome ! Celui qui possède une vraie sensibilité n’en a pas besoin, et il ne servira à rien à celui qui en est dépourvu. ”
Plus de 200 ans d’utilisation par les musiciens de toute obédience nous laissent à penser qu’il a quand même une certaine utilité…
Mais comment en est-on arrivé là ?
Tout commence en 1696 lorsqu’un certain Étienne Loulié (1654-1702), musicien, pédagogue et théoricien de son état, invente un chronomètre inspiré du pendule à secondes de Galilée. L’objet n'émet encore aucun son, mais il permet déjà de marquer les temps avec précision. Il suffit d’en observer le balancement pour repérer le moment où le fil passe au centre du chronomètre … et hop, voilà le tempo ! L’invention fut suffisamment remarquée pour être récompensée par l’Académie des Sciences.
Quelques années plus tard, Dietrich Nikolauss Winkel (1777-1826) est horloger en Hollande. Mordu de la comtoise, Dietrich vit et respire pour les pendulettes ! En 1812, il prouve qu’un pendule peut avoir des battements réguliers à condition d’être lesté de part et d’autre du pivot. Fort de sa découverte, il conçoit un chronomètre musical capable d’une grande régularité de battements, même pour les tempi lents. En 1814, il fait don à l’Académie royale néerlandaise des arts et des sciences de son premier exemplaire. Le candide crédule du chronomètre n’avait pas vu qu’un grand crique allait le croquer : Johann Nepomuk Mälzel, ou le croqueur de chrono !
S’attribuant l’invention de Winkel, Maelzel dépose en 1815 une demande de brevet français « pour une sorte de chronomètre appelé métronome en usage dans la musique ». Une fois ce brevet accordé, il ajoute au métronome une échelle graduée des tempi et dépose un nouveau brevet en 1816 en Angleterre. Il devient légalement le père du métronome mécanique encore utilisé aujourd’hui.
Et depuis, on y est tous passés !